Vingt ans en 1968...
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Vingt ans en 1968...
... Souffler sur 20 bougies est un évènement qui fait date. Pour ma part j’ai eu 20 ans le 9 janvier 1968. J’étais tout seul ce jour là et je suis allé manger un couscous chez mon copain Arabe, bistrotier restaurateur, rue Villot dans le 12 ème arrondissement de Paris, à proximité de la gare de Lyon. Je me suis tapé tout seul comme un grand une chopine de rouge d’un litre et je regardais les gens assis à côté de moi, tous des Arabes, qui jouaient aux dominos en écoutant de la musique d’Afrique du Nord. Dans ce bistrot là, avec mes copains Arabes et dans cette atmosphère familiale, conviviale, sans chichis, où personne ne te regardait comme un étranger, où j’étais royalement servi par le patron qui m’avait à la bonne, j’étais tout simplement heureux et ne me posai aucune question sur mon avenir.
Je me souvenais de mes copains Arabes du lycée Duveyrier à Blida en Algérie et tout particulièrement d’un certain Ould Ruis avec lequel nous nous partagions les places de premier aux compositions trimestrielles notamment en Français... Nous avions ensemble durant les récréations, de longues discussions philosophiques, pour autant que l’on puisse en avoir à l’âge de 13 ans, de ce genre de conversation, alors que la guerre d’Algérie parvenait à son épisode le plus dramatique.
Et ici, dans ce bistrot de la rue Villot, qu’aucun Européen n’eût fréquenté, peut-être à cause des chiures de mouches qui constellaient les glaces, je m’y sentais en famille, d’autant plus que durant la grande grève de mai 68, le « Bicot », comme disaient mes camarades du centre de tri postal de la gare PLM, me faisait non seulement crédit mais aussi bouffer à l’œil.
Je n’avais pas encore en ce temps là la bande de copains qui allait m’entraîner dans de joyeuses et mémorables équipées, j’étais « agent d’exploitation » aux PTT, à peine débarqué des Landes, mon pays de naissance, avec encore dans la tête les années d’Afrique du Nord vécues en compagnie de mes parents et de toutes nos relations de là-bas. Alors, où aurais je pu mieux fêter mes 20 ans que dans ce bistrot Arabe qui, au dire des habitants du quartier, ne payait pas de mine ?
A l'époque lorsque je me rendais dans d'autres petits (et modestes) restaurants du quartier ou d'ailleurs dans Paris, où l'on servait le menu du jour pour 7 francs ou pour 9 francs, et prenant place tout seul à une table, j'attendais à chaque fois assez longtemps pour être servi et l'accueil n'était jamais très chaleureux (l'on me laissait "pourrir", la corbeille de pain vide dès le hors d'oeuvre fini)...
Je me rendais aussi de temps à autre à la cantine de la Recette Principale dans le 1er arrondissement, qui était réputée "être la meilleure cantine des PTT de tout Paris"... Il y avait tous les jours entre 11h 30 et 13h 30, "un monde fou", toutes les tables (de quatre) étaient occupées... Sauf une, où se trouvait un monsieur âgé d'une soixantaine d'années, affecté d'une "danse de Saint Guy" (maladie de Parkinston). Il en foutait partout, ce pauvre monsieur, de la sauce à côté de son assiette, du yaourt, du vin, des petits pois... Tellement il avait du mal à tenir sa fourchette ou sa cuillère en tremblant très fort...
Quand bien même parfois, j'aurais pu trouver une place libre à une table de quatre un jour d'un peu moins grande affluence, je m'asseyais toujours en face de ce pauvre monsieur tout seul, et lui remplissais son verre d'eau, lui coupait sa viande... J'observais tous ces gens, jeunes et en bonne santé, pétants de toute leur apparence, les hommes de leur faconde et de leur assurance et les femmes de leurs toilettes et de leurs airs... J'écoutais toutes ces conversations dont la plupart se fondaient en un murmure de rivage d'océan, et je me disais que le monde était ainsi fait, assurément plus aisé à vivre pour les uns, et bien plus difficile pour les autres...
Je me souvenais de mes copains Arabes du lycée Duveyrier à Blida en Algérie et tout particulièrement d’un certain Ould Ruis avec lequel nous nous partagions les places de premier aux compositions trimestrielles notamment en Français... Nous avions ensemble durant les récréations, de longues discussions philosophiques, pour autant que l’on puisse en avoir à l’âge de 13 ans, de ce genre de conversation, alors que la guerre d’Algérie parvenait à son épisode le plus dramatique.
Et ici, dans ce bistrot de la rue Villot, qu’aucun Européen n’eût fréquenté, peut-être à cause des chiures de mouches qui constellaient les glaces, je m’y sentais en famille, d’autant plus que durant la grande grève de mai 68, le « Bicot », comme disaient mes camarades du centre de tri postal de la gare PLM, me faisait non seulement crédit mais aussi bouffer à l’œil.
Je n’avais pas encore en ce temps là la bande de copains qui allait m’entraîner dans de joyeuses et mémorables équipées, j’étais « agent d’exploitation » aux PTT, à peine débarqué des Landes, mon pays de naissance, avec encore dans la tête les années d’Afrique du Nord vécues en compagnie de mes parents et de toutes nos relations de là-bas. Alors, où aurais je pu mieux fêter mes 20 ans que dans ce bistrot Arabe qui, au dire des habitants du quartier, ne payait pas de mine ?
A l'époque lorsque je me rendais dans d'autres petits (et modestes) restaurants du quartier ou d'ailleurs dans Paris, où l'on servait le menu du jour pour 7 francs ou pour 9 francs, et prenant place tout seul à une table, j'attendais à chaque fois assez longtemps pour être servi et l'accueil n'était jamais très chaleureux (l'on me laissait "pourrir", la corbeille de pain vide dès le hors d'oeuvre fini)...
Je me rendais aussi de temps à autre à la cantine de la Recette Principale dans le 1er arrondissement, qui était réputée "être la meilleure cantine des PTT de tout Paris"... Il y avait tous les jours entre 11h 30 et 13h 30, "un monde fou", toutes les tables (de quatre) étaient occupées... Sauf une, où se trouvait un monsieur âgé d'une soixantaine d'années, affecté d'une "danse de Saint Guy" (maladie de Parkinston). Il en foutait partout, ce pauvre monsieur, de la sauce à côté de son assiette, du yaourt, du vin, des petits pois... Tellement il avait du mal à tenir sa fourchette ou sa cuillère en tremblant très fort...
Quand bien même parfois, j'aurais pu trouver une place libre à une table de quatre un jour d'un peu moins grande affluence, je m'asseyais toujours en face de ce pauvre monsieur tout seul, et lui remplissais son verre d'eau, lui coupait sa viande... J'observais tous ces gens, jeunes et en bonne santé, pétants de toute leur apparence, les hommes de leur faconde et de leur assurance et les femmes de leurs toilettes et de leurs airs... J'écoutais toutes ces conversations dont la plupart se fondaient en un murmure de rivage d'océan, et je me disais que le monde était ainsi fait, assurément plus aisé à vivre pour les uns, et bien plus difficile pour les autres...
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" Nous ne pouvons savoir! Nous sommes accablés d'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères" [Arthur Rimbaud ]
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