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Carsten Jensen (Danemark)

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Carsten Jensen (Danemark) Empty Carsten Jensen (Danemark)

Message par Daniel Tanguy Dim 21 Fév - 18:14



Carsten Jensen (Danemark) Nousle10

Vi, de druknede
Traduction : Hélène Hervieu & Alain Gnaedig


ISBN : 9782264053312

Une fresque. Dans toute sa gloire et à la gloire des pêcheurs danois. Jensen nous raconte l'histoire d'une petite ville côtière, Marstal, dont le destin repose sur la pêche en mer, ceci du milieu du XIXème siècle à l'après-Seconde guerre mondiale. Comme fil rouge, parmi les personnages récurrents secondaires, les membres de la famille Madsen, de Laurids, "l'Homme qui monta au ciel", surnom reçu lors d'une bataille navale avec les Allemands, et en revint tellement secoué qu'il finit par s'embarquer pour Java et ne plus donner signe de vie, jusqu'à Knud Erik qui, lui, verra la capitulation des nazis et cherchera, au contraire de Laurids et non sans peine, à mener une vie équilibrée, en passant par la prodigieuse figure d'Albert, fils de Laurids et père en quelque sorte adoptif de Knud Erik. En arrière-fond, la volonté intransigeante d'une femme, Klara Friis, tombée amoureuse d'Albert mais hantée par les hommes que lui a pris la mer et qui rêve, pour se venger, de dépouiller peu à peu Marstal de sa flotte de chalutiers.

Tenter de résumer cette histoire, qui s'étire sur près de mille pages en édition de poche, est chose impossible. On songe, c'est vrai, un peu au Melville de "Moby Dick" avec une pointe d'aventures et quelques trognes digne de "L'Île au Trésor" de Stevenson En ce qui concerne les passages relatifs à la seconde vie de Laurids, c'est même carrément Conrad et "La Folie Almayer" qui viennent à l'esprit. C'est vous dire que "Nous, Les Noyés" ne baigne pas précisément dans une atmosphère sereine !  Carsten Jensen (Danemark) Crazy A la fin de l'ouvrage, Jensen cite ses sources, qui sont nombreuses mais sa part à lui est loin d'être minime. Si "Nous, Les Noyés" a quelque chose de fou, d'atroce et d'implacable, si ce roman fait montre aussi d' un humour constant et si la cohérence des événements relatés ne part pas à vau-l'eau sous des longueurs à notre avis inutiles et des retournements de caractères - plus que de situations - un peu déroutants, c'est bien à l'écrivain que nous en sommes redevables.

Carsten Jensen possède au plus haut degré l'art du portrait. Il vous campe des silhouettes folles, blessées, incroyables, comme par exemple l'ignoble instituteur Isager, un sadique de la plus belle eau qui apprend le minimum à ses élèves et toujours à coups de garcette. Sous le rude climat danois, au plus près d'un océan aux lames glaciales qui, malgré ses dangers, représente le seul avenir, la seule richesse possibles de ceux qui le craignent, la vie s'entête à résister à tout et à tous : ni les naufrages, ni les guerres, ni la fuite de certains (ou leur suicide), pas plus que les menées destructrices de Klara Friis n'auront raison de Marstal. La preuve : si la pêche aujourd'hui n'est peut-être plus ce qu'elle était, la ville s'est reconvertie dans le chauffage solaire et possède la centrale de ce type la plus importante du Danemark.

Cependant, si les récits marins et les épopées qui mêlent atrocités réalistes, descriptions plus ou moins laborieuses et poésie humoristique ne vous attirent pas, mieux vaut pour vous éviter ce "Nous, les Noyés." Malgré les nombreux prix qu'a reçu ce livre mi-roman, mi-récit, vous risqueriez de vous lasser - ou de vous endormir. Les personnages dans leur majorité restent pourtant attachants - y compris certains "méchants" - et l'on se prend à suivre les mille et une péripéties de leurs existences. Par contre, ce qui est curieux, c'est qu'on oublie vite l'ensemble. Sont-ce les longueurs ? L'air de wagons attachés de guingois l'un derrière l'autre que donne au lecteur certains chapitres ? Autre chose ? Un souffle que l'on cherche en vain ? ... Je ne saurais le dire mais enfin, vous voilà prévenus. Et puis, ce n'est qu'une opinion personnelle : "Moby Dick"ne me séduit pas et pourtant, voyez tous ceux qui crient au chef-d'oeuvre en parlant du livre de MelvilleCarsten Jensen (Danemark) J_aipast 

En résumé, ce sont les vacances et vous flânez : si vous aimez le Danemark, la pêche, les bateaux et les belles et longues histoires sauce scandinave, ne vous laissez pas décourager par mes remarques, emportez "Nous, Les Noyés" sur la plage et lisez-le avant de revenir nous donner votre avis. Bonne lecture ! Carsten Jensen (Danemark) Chapeau2
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Message par Daniel Tanguy Dim 21 Fév - 18:15

L'incipit du roman :

[...] ... Laurids Madsen était monté au ciel mais il en était redescendu grâce à ses bottes.

Il n'avait pas atteint les hauteurs de la pomme de mât, tout juste celle de la grande vergue d'un trois-mâts. Il s'était tenu devant la porte du Paradis où il avait vu Saint Pierre, même si le gardien de la porte de l'au-delà n'avait fait que lui montrer son cul.

Laurids Madsen aurait dû être mort. Mais la mort l'avait dédaigné et il était devenu un autre homme.

Avant même de connaître la célébrité pour cette visite au ciel, il passait pour avoir déclenché une guerre à lui tout seul. A l'âge de six ans, il perdait son père, Rasmus, en mer, et, à quatorze ans, il était au milieu de l'océan sur le Anna de Marstal. Trois mois plus tard, le Anna faisait naufrage en Mer Baltique. L'équipage fut sauvé par un brick américain et, dès lors, Laurids Madsen se prit à rêver de l'Amérique.

A l'âge de dix-huit ans, il avait passé son examen de second à Flensburg et, la même année, avait connu son deuxième naufrage au large des côtes norvégiennes, près de Mandal, où, par une froide nuit d'octobre, il se retrouva sur un récif balayé par les vagues, à guetter une âme charitable. Pendant cinq années, il avait navigué sur tous les océans. Au Cap Horn, il avait entendu les vocalises des manchots dans la nuit noire comme de l'encre. Il avait vu Valparaiso, la côte ouest de l'Amérique et Sydney, où les arbres, l'hiver, perdent leur écorce et non leurs feuilles, et où les kangourous sautent dans tous les sens. Il avait rencontré une fille aux yeux couleur de raisin, du nom de Sally Brown, et il pouvait parler des quartiers chauds de Foretop Street, La Boca, Barbary Coast et Tiger Bay. Il avait traversé l'équateur, salué le roi Neptune et ressenti la fameuse secousse quand le bateau franchit la ligne. A cette occasion, il avait bu de l'eau de mer, de l'huile de poisson et du vinaigre. On l'avait baptisé dans le goudron, le suif et la colle, rasé à un couteau rouillé à la lame dentelée et on avait soigné ses coupures avec du sel et de la chaux. Il avait embrassé la joue grêlée et ocre d'Amphitrite et plongé le nez dans son flacon de parfum rempli de rognures d'ongles.

Oui, Laurids Madsen avait vu du pays. ... [...]
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Message par Daniel Tanguy Dim 21 Fév - 18:16

[...] ... On ne sait pas si les choses se sont passées ainsi. On ne sait pas ce qu'a pensé Albert [= Madsen, fils de Laurids] pendant ses dernières heures. Nous n'étions pas là. Nous avons seulement les notes qu'il nous a laissées, avec ce qui a marqué le commencement de la fin pour notre ville. Nous avons raconté son histoire, et chacun de nous a brodé, en ajoutant un peu de la sienne. Des milliers d'observations, de pensées et de souhaits contribuent à former l'image que nous avons de lui. Il est entièrement lui-même, et il nous appartient aussi, même s'il ne fut pas toujours comme nous.

Nous sommes allés en masse à Halen. Nous nous sommes rendus sur les lieux où Albert a péri. Nous avons planté nos bottes dans la vase. Nous avons essayé de les retirer du fond, gluant et piégeux. Certains ont dit que, oui, il était bel et bien bloqué. D'autres ont affirmé que non, il aurait pu se dégager. Ou qu'il lui aurait suffi de se laisser tomber pour échapper au traquenard tendu par le froid et la vase. Un manteau trempé et un pantalon crotté, cela aurait été un prix bien mince à payer pour échapper à la mort. Même une pneumonie aurait été préférable à une fin aussi abrupte, et Albert était solide.

Nous ne savons rien et chacun n'en pense pas moins. Nous cherchons tous un peu de nous en lui. D'aucuns le condamneront volontiers. D'autres le considéreront au-dessus de toute mesquinerie. Chacun se faisait sa propre idée sur Albert. Nous le suivions partout où il allait. Nous l'observions à travers nos fenêtres et nos miroirs espions. Ses paroles étaient sur toutes les lèvres, pas toujours dans l'intérêt de tous, et ce n'étaient d'ailleurs pas toujours les mots qu'il avait prononcés, mais ceux qu'on lui attribuait, car nous trouvions qu'ils lui correspondaient et qu'il aurait pu les dire.

Nous avons retourné sa vie sous toutes les coutures, comme nous fouillons toujours dans la vie de notre prochain dans nos discussions parfois susurrées, parfois animées. Albert était un monument que nous avons façonné et dressé de concert.

Nous croyions tout savoir de lui. Ce n'est pas vrai. En fin de compte, personne ne connaît l'autre. ... [...]
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