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A la "poste pététique", récit anecdotique "mes débuts au Centre de tri Postal PLM

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Message par Yugcib Jeu 8 Déc - 10:22

... Lorsque je débutai au Centre de Tri Postal PLM en juillet 1967, après avoir été reçu à un concours externe d'Agent d'exploitation des PTT, je gagnais dans les premiers mois en tant que stagiaire (titularisation au bout d'un an) 759,56 Francs par mois.
En ce temps là, le dernier jour du mois, nous "faisions la queue" dans l'escalier menant au "bureau d'ordre" et à la Caisse, pour percevoir en "espèces sonnantes et trébuchantes" nos salaires : un gros billet de 500 francs plus deux billets de cent, un billet de cinquante et la monnaie... Mais très vite cependant, l'on nous fit prendre un compte courant postal sur lequel fut versé notre salaire... Les primes cependant, continuaient d'être versées en espèces à la Caisse (primes d'heures de nuit, primes pour les "Ambulants" train poste wagon poste).
Debout durant une vacation de 6heures (6-12) ou de 8heures (12-20) ou encore de 10 heures (20-6) devant un casier de tri -avec une pause d'une demi heure à mi vacation- je m'étonnais que mon camarade d'à côté qui faisait exactement le même travail que moi, ne gagnait que 600 francs par mois en effectuant le même nombre d'heures. C'était me disait-il, parcequ'il n'avait été embauché que comme auxiliaire.
En effet, la "Poste Pététique" à l'époque, une administration d'Etat, recrutait par concours mais avait besoin aussi pour faire face à un afflux saisonnier de travail (été et période noël nouvel an et autres moments dans l'année), d'employer des gens (souvent des jeunes, des étudiants, des femmes seules) "au pied levé", donc des auxiliaires (sans statut de fonctionnaire)... Il suffisait de se présenter à un bureau d'ordre de centre de tri ou à une direction des PTT ou même au Receveur d'un bureau de poste ; un entretien d'embauche pour s'assurer si le demandant avait au moins l'équivalent d'un certificat d'études ou d'un Brevet élémentaire...
En général la "Poste Pététique" envoyait ces "personnaux" auxiliaires dans les grands centres de tri, les transbordements (arrivée en gare des trains postaux, déchargement des sacs 30 kg et plus, des wagons, et tri des sacs sur d'énormes chariots, horaires "impossibles" (des 3h du matin à midi ou des 8h du soir à 3h du matin)...
Après être resté tout un été (été 1967) dans les Ambulants (trains poste) l'on me plaça au "Transit National" une salle très bruyante emplie d'épaisse poussière, à proximité des quais de transbordement du PLM, en brigade de nuit (20 – 6) avec une pause d'une heure à minuit.
Nous trions des milliers de paquets déversés de sacs postaux sur des tapis roulants, à sept ou huit trieurs autour de batteries circulaires (une cuve qui tournait et se remplissait de colis) et autour des batteries, il y avait des préposés (le grade en dessous d'agent d'exploitation) chargés de "faire des sups" (c'est à dire de mettre les paquets qui débordaient des sacs dans d'autres sacs dits "supplémentaires")... Vu la vitesse, la presse, le tournis infernal des cuves, l'avalanche permanente de paquets de toutes sortes (dont certains crevaient et puaient soit dit en passant)... Pour les "sups" ça allait jamais assez vite et je vous dis pas les engueulades à répétition dans le pire des vocabulaires imaginable!
De 8 h à minuit, y'avait les "17/24" qui s'ajoutaient à nous les vacataires de la brigade de nuit et ces "17/24" c'étaient des auxiliaires, des étudiants... Y'en avait un, ancien journaliste viré de l'ORTF, et un autre, un célibataire très radin, d'Hagetmau dans les Landes, qui lui, la journée travaillait chez un luminaire... Et il y avait aussi "Lovisat" un "pupille de la Nation" "un peu simplet sur les bords", affecté au dépoussiérage des sacs et qui assez souvent se trouvait au Transit avec nous pour "faire des sups"...
A la pause de minuit à une heure on jouait au tarot, après le repas à la cantine. On avait un chef "assez cool" qui nous laissait parfois prolonger d'un quart d'heure la pause...
On avait un objectif minimum de traiter (vider et trier) 1800 sacs par vacation de 10 h (20-6), nous en traitions à vrai dire souvent, des 2000/2200 et nous terminions vers 4h du matin et alors le chef nous laissait partir (inutile de vous dire qu'on passait tout de suite sous la douche avant de quitter le PLM – putain, qu'est-ce qu'on bouffait comme poussière)...
Le hic, c'est que dans les étages en particulier un chef très vache qu'on appellait "Eichmann", savait qu'au Transit on finissait de bonne heure : sur le coup de 3 h du matin, il demandait qu'on lui livre 3 ou 4 trieurs sinon toute la brigade pour aller en haut dans les salles où ça turbinait dur jusqu'à 6h avec l'arrivée ou le départ des avions (aviation postale). Combien de fois j'ai été pris dans cette "rafle" d'Eichmann et de ses sbires sur le coup de 3h du matin !
Le problème c'était -mais je m'en suis accommodé à ma façon avec ma personnalité de poète et de rêveur un peu anarchiste sur les bords- la vulgarité (ça discutait que de sexe, de putes et de foot), l'alcoolisme (on vidait par brigade d'ambulants de sept par wagon, un litre de pastis) et la tabagie impressionnante, y'avait des mecs ils grillaient jusqu'à 2 paquets de clopes par nuit)... Notre chef on le voyait toute la vacation pause comprise sans arrêt la clope au bec, en blouse grise, un mec de plus de 50 balais, qui bossait dur aussi dur que nous, il faisait tout, la répart, le tri, les sups et il était très cool, un mec bien... (il doit être mort depuis longtemps, le pauvre, paix à son âme... ça c'était un vrai chef, pas comme ce salaud d'Eichmann (lui il fumait la pipe) et qui nous en faisait baver...)
J'arrivais, au beau milieu de tous ces mecs, en dépit de cette vulgarité, de cette violence, de cet environnement de bruit et de poussière, à être "écouté", à faire passer ma "philosophie" et ma pensée, à dire ce que j'écrivais... Au début on se foutait de ma gueule mais je devins peu à peu une "vedette"... Il faut dire qu'à ce Transit, y'avait que des "marginaux", des mecs assez allumés, repérés par la direction du Bureau d'Ordre, des saoûlons, des "qui avaient fait de grosses conneries", mais l'équipe était aussi faite, jusqu'à minuit, de ces "17/24" tous des étudiants, des intellectuels, des artistes, auxiliaires à la "poste pététique" pour raison de gagner du pognon assurer leur subsistance...
J'y suis resté à ce Transit, de novembre 1967 jusqu'à décembre 1969... Après je suis allé à "L'avion" en haut, dans les salles, toujours en brigade de nuit...
De cette époque, dans quelques uns de mes écrits, j'ai raconté d'autres anecdotes, entre autres une au sujet de ce Lovisat, ce pupille de la nation, qui faisait exprès toujours le con, qui montrait son cul debout sur le comptoir de la cantine, tout le monde se foutait de sa gueule, mais pour moi, ce mec, c'était "un grand copain" et avec lui, on discutait de bouquins et de films, et de sujets de la vie qu'avec les autres on discutait jamais... J'en ai fait "un monument littéraire" à ma façon, de ce Lovisat ! (il doit être mort, lui aussi, le pauvre, paix à son âme)...

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Message par Yugcib Sam 10 Déc - 7:02

... Il y avait, au transbordement et devant la salle haute du bâtiment du Transit, au PLM en 1967/1976, là où étaient rangés les trains de chariots chargés de sacs postaux, le long des quais, entre les quais, tout cela formant une "zone" à l'apparence délabrée, jonchée de toutes sortes de détritus, une "zone" triste et grise, sombre et sale, sans cesse baignée d'une pénombre de poussière à peine traversée de quelques rayons de soleil durant la journée... Qui était l'univers de tout un peuple de minous (il y en avait bien en permanence, de ces minous, de jour comme de nuit, une cinquantaine)... Des tigrés, des tout noirs, des noir et blanc, des roux, des petits, des gros, des éclopés sur 3 pattes... C'étaient les gens chargés de la Cantine qui venaient leur donner les restes (les ruines des repas servis), portés dans des cagettes...
Il y en avait de tous les "caractères", de ces minous : des gentils, qui se laissaient approcher, qui venaient se frotter aux jambes, des timorés, des fuyants, des agressifs... Et souvent durant la pause de minuit à une heure du matin, je venais les regarder, les approcher... Et je me disais que tout ce peuple de minous c'était comme le peuple des humains : cette diversité de caractères et de comportements, formant comme un tableau de peinture, une mosaïque, une fresque gigantesque, en fait le "tableau" me paraissait d'une réalité "surréaliste" parce que justement je trouvais que la réalité était plus surréaliste que le surréalisme des peintres qui "faisaient de l'abstrait"... Il me venait alors l'idée, ou plutôt l'intuition d'une "beauté", d'une sorte de vérité intemporelle du monde, d'une "beauté" oui, même s'il y avait dans cette "beauté", de la violence, de la cruauté...
Un jour je voulus "faire une blague" : je "chopai" (ce fut "épique") un minou "impossible", un tout noir, tout maigrichon, sur 3 pattes, très griffant, fou furieux, et l'enfermai dans l'un des sacs qui allait inévitablement être ouvert et versé sur le tapis de la "répart'"... A la reprise du travail après la pause, ça n'a pas fait un pli : v'là qu'le minou comme un diable sorti de sa boîte, saute sur le tapis au milieu des colis déversés (et de la poussière) et se met à galoper sur le tapis roulant menant aux cuves tournantes, il tombe dans une des cuves, puis de là il saute et se réfugie sous une pile de sacs pliés. Avec Lovisat, le mec du dépoussiérage, je rechope le pauvre minou et on le remet dehors il part en flèche la queue levée bien droite... Quelle crise de four rire ce fut cette histoire !

... Dans ces années là (et aujourd'hui encore je crois bien à la poste courrier depuis 2006) à la "Poste Pététique" d'avant 1974 séparation d'avec les télécoms ; on appelait "californies" (en abrégé "califs") les heures supplémentaires payées une fois et demi l'heure normale (avec en plus le tarif appliqué pour dimanches et fêtes et nuit quand on faisait ces heures de nuit ou un dimanche ou un férié)...
Ce terme de "californies" venait de "Californie états unis d'Amérique durant la ruée vers l'or" (on disait "avec cet argent en plus on va se payer la Californie)...
Ces "califs" il faut dire à l'époque, "ça mettait du beurre dans les épinards" surtout pour les jeunes qu'on était, à vouloir aller en boîte de temps à autre, pour certains "aller voir les putes", à pouvoir s'acheter des fringues à la mode entre autres...
De ces "califs" j'en ai fait qu'une seule fois : le jour où Eichmann le chef vache qu'on avait au PLM, avait proposé aux types de la brigade de venir en "sup" une nuit entière de 10 h dans la brigade inverse (on faisait 2 nuits consécutives sur 4 samedis dimanches compris) durant une période de noël nouvel an. Il nous avait dit "vous voyez ces deux chariots, les mecs? Si vous arrivez à les liquider avant 6h, je vous lâche" (Les chariots étaient hyper archi pleins de rangées de milliers de lettres) et l'Eichmann là il croyait pas qu'on pouvait arriver à liquider tout ça avant 6h...
Eh bien à 4h du matin, à dix qu'on était devant la rangée de casiers de tri, on les avait curés les 2 chariots! Vides tous les deux! Z'auriez vu la tête de l'Eichmann, il était tout déconfit et forcé de tenir sa promesse... Résultat pour 2 h de boulot en moins, on a palpé 10 h de tarif de nuit ! ça faisait un bon pactole!
Au Transit, c'était surtout les "17/24" qui faisaient des califs, en particulier le mec d'Hagetmau qui bossait le jour chez un luminaire, qui était un célibataire endurci la pète de se voir pomper son fric par une femme, radin comme tout, il "rempilait" de 1h à 6h (je me demande quand il dormait)... Et un autre, celui qui avait été viré de l'ORTF et qui était marié avec 3 gosses, un nommé Delattre (il avait 35 ans moi j'en avais 20, bon je peux dire son nom le pauvre il doit être aujourd'hui ou mort ou très vieux)...

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Message par Yugcib Dim 11 Déc - 8:47

Une précision importante au sujet de l'histoire de la Poste en seconde moitié du 20 ème siècle et au début du 21 ème siècle :

... Après réflexion je m'en souviens bien : la séparation entre la poste courrier (courrier et colis) et la poste "grand public" (services financiers, guichet) a commencé à se faire en 2003, les deux "entités" courrier et grand public faisant partie du "Groupe La Poste". Mais dans bon nombre de bureaux à partir de 2003 et ce jusqu'en fin 2005 et même encore jusqu'en 2010, les facteurs, les agents du courrier, les services du courrier, des colis, avec le traitement à l'arrivée et au départ du courrier tout cela "coexistait" dans le même bâtiment, avec les services financiers et guichet "grand public". Les directions toutefois des "2 branches" à partir de 2003, furent séparées.
Au 1er janvier 2006, fut créé La Banque Postale, et La Poste, qui dans bon nombre de bureaux, se trouvaient dans le même bâtiment, mais désormais avec deux directions séparées. Puis peu à peu, des centres de traitement du courrier ont été construits (en général dans des zones industrielles en périphérie des villes).
Quant à ce que j'appelle "la poste pététique", jusqu'en 1974 l'administration d'état qu'était cette "poste pététique" avait pour intitulé (sigle) : P.T.T (Postes Télégraphe Télécommunications). Après 1974, l'intitulé de l'administration d'état était devenu "Postes et Télécommunications" (avec un sigle différent). Mais la séparation entre la poste et les télécoms n'a été effective qu'en 1990 lors de la réforme des PTT, et au 1er janvier 1991, la Poste est devenue une entreprise publique autonome.
Pour avoir participé à la grande grève de 43 jours en 1974 (43 jours au PLM, du 17 octobre au 29 novembre), je me souviens qu'à l'époque on parlait beaucoup de ces concurrents des télécoms qu'étaient "Finextel, Codetel", et du projet de séparation de la Poste et des Télécoms, séparation qui, c'est vrai, fut effective en 1990.

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Message par Yugcib Mer 14 Déc - 11:40

... Le dimanche 16 juillet 1967 je pris un train, un express de nuit, en gare de Dax, à 19h 46. Ce train, en gare de Bordeaux St Jean à 21h 15, après un arrêt d'une heure quinze, repartit à 22h 30 et arriva en gare d'Austerlitz à Paris à 6h 13 le lundi 17 juillet.
Un voyage très fatiguant, épuisant à vrai dire, impossible de dormir, assis dans un compartiment de huit personnes. J'avais une valise énorme qui pesait très lourd et il faisait une chaleur à crever... Libourne, Ruffec, Angoulême, Poitiers, Tours St Pierre des corps, Blois, Orléans... Cet express de nuit s'arrêtait dans toutes les gares de ces villes...
A la sortie de la gare d'Austerlitz, je pris le métro, avec mon énorme valise, pour me rendre au 7 rue du Charolais (l'adresse du PLM), suivant les indications qui se trouvaient consignées sur le document qui m'avait été donné.
Arrivé au bureau d'ordre du PLM, je trouvais là une vingtaine d'autres jeunes, pour la plupart venus du Sud Ouest ou du Midi de la France, tous arrivés le même jour que moi. Après le discours de bienvenue du directeur du centre de tri, l'on nous indiqua l'adresse d'un foyer d'accueil pour jeunes postiers débutants, un foyer situé très loin dans le 18 ème arrondissement de Paris, à trois quarts d'heure de métro avec 2 changements.
Et le lendemain, mardi 18 juillet, à 6h je me trouvai devant un casier de tri du service de la "ligne" en brigade A de jour...
Ce foyer d'accueil était un lieu très bruyant, de dortoirs où nous étions par 6 dedans, avec lavabos et WC de l'autre côté d'un couloir. Dans la chambrée où je me trouvais, les gars avaient tous des horaires différents dont 2 qui, travaillant au "transbordement", partaient ou revenaient sur le coup de 2h, 3h du matin, allumant la lumière...
Aussi ne restais-je là que trois jours, ayant trouvé à proximité du PLM, rue de Châlons, une chambre d'hôtel au mois, pour 250 francs, située au 6 ème étage sous les toits. Une chambre étroite, avec juste un lit 1 place, une chaise, un lavabo et un placard, et une fenêtre donnant sur un paysage de toitures en zinc et de cheminées. Nous étions dans une période de grande canicule avec des températures de 35 degrés, une véritable fournaise.
Ma grand mère m'avait avancé 500 francs (pour tenir jusqu'à ma première paye) et après avoir donné les 250 francs pour la chambre au mois, il ne me restait plus grand chose...
Un repas avec ristourne à la cantine du PLM coûtait 2 francs 20 centimes (2 francs 70 sans ristourne) et l'on avait droit pour le mois à 20 repas avec ristourne, au choix midi ou soir, et les jours qu'on utilisait les tickets.
Je ne restais dans cet hôtel qu'un mois seulement, trouvant que les 250 francs grevaient par trop mon budget, ma première paye ayant été le 31 Août 1967 (après un demi mois en juillet) de 759 francs 56.
Je "dégotai" au 161 rue de Charenton, au "Grand Hôtel Moderne", une chambre à 90 francs par mois située au rez de chaussée dans une cour intérieure, avec l'eau à aller chercher au fond de la cour où il y avait les WC. Dans la "chambre" il y avait juste l'électricité (une ampoule au plafond), un réchaud à gaz modèle début du siècle, en fonte, tout noir, sur 4 pieds courts, un lit de style militaire, très étroit, avec couverture "de l'armée". Le sol était un carrelage fendu, avec des crevasses, et ce carrelage me rappelait celui de chez "petite mémé" mon arrière grand mère d'Arengosse dans les Landes.
Un jour le gérant de l'hôtel m'avait engueulé parce que j'avais jeté des mégots de cigarettes dans une crevasse du carrelage... Quand est venu le mois de décembre, avec des températures cette année là "sibériennes" (pas de radiateur dans la chambre), l'eau du robinet au fond de la cour était gelée ainsi que l'eau dans la cuvette que j'avais pour faire ma toilette du matin.
Au PLM la brigade de jour (6h-12h et le lendemain 12h-20h avec une pause d'une demie heure à mi vacation) samedis et dimanches et fêtes compris ; ne me convenait pas du tout.
Le chef de la brigade A, un monsieur Andrieu, inspecteur central (une peau de vache) avec ses sbires, nous observait, nous les "petits jeunes" debout devant nos casiers de tri, il nous "toisait" avec condescendance, sévérité, de temps à autre vérifiant nos cadences en regardant sa montre... Ce monsieur Andrieu il m'apostropha, me reprochant de placer "dans le mauvais sens" les lettres de la rangée la plus haute du casier (dans ce sens là en effet c'était moins dur pour moi et ça plaisait pas du tout à ce monsieur Andrieu)...
Aussi très vite, à peine une semaine après mon arrivée, je me rendis au bureau d'ordre ayant appris "qu'ils cherchaient des volontaires" pour effectuer des remplacements dans les wagons postaux et sur le train poste. J'intégrai donc le service des ambulants qui, en période de congés d'été, avait besoin de remplaçants.
Nous prenions notre service dans le wagon PTT à 19h, le train partait vers 22h 30 ou 23h ou même plus tard encore, à Dijon y'avait un long arrêt avec transbordement de sacs postaux en général vers 2h, 3h du matin, et nous arrivions à destination (Lyon, St Etienne, Annecy, Pontarlier...) vers 6h, 7h... Et retour le soir avec prise de service en gare dans le wagon rattaché au train pour Paris... Les deux nuits suivantes en repos et reprise du travail, samedis, dimanches et fêtes compris (mais avec pour ces jours là ce qu'ils appellaient des "décalages" à cause de service réduit, mais des "rentrées" ensuite en brigade inverse)...
Le pire des services était, aux Ambulants, ce qu'ils appelaient "le cheval" (faire le cheval). Cela consistait par exemple, à devoir effectuer Paris Grenoble, puis Grenoble Lyon et Lyon Paris (en gros trois heures de travail en plus qu'un simple aller retour)... Mais les heures de nuit, ainsi que les indemnités (frais hébergement et repas) étaient assez bien payées (ou bien compensées en récupération congés)... Avant mai 68, cela me faisait en plus de mon salaire de 759, 56 francs, environ 300 francs par mois (que je gérais au mieux à ma façon en dormant dans le wagon sur des sacs au lieu d'aller à l'hôtel, et en mangeant des sandwichs ou en allant dans des "troquets" (les "fast foods" de l'époque)...
Nous étions 7 par équipe dans le wagon postal, avant Dijon il fallait à tout prix liquider les sacs qu'on nous avait versés au départ, à Dijon on nous versait d'autres sacs, on triait par casiers de "côtés" (un "côté" étant celui de la moitié d'un département villes villages)...
Le 23 novembre 1967, après mon premier congé annuel (10 jours), je fus muté au service du Transit National (tri des colis) à côté du Transbordement du PLM, en brigade C de nuit.
Vers la fin du mois de décembre, sur les injonctions à répétition de ma mère et de ma grand mère qui, toutes deux souhaitaient vivement que je trouve une chambre "plus confortable", je me décidais à quitter cette "piaule infecte et glaciale" du "Grand Hôtel Moderne 161 rue de Charenton, pour demeurer dans un autre hôtel au mois, "l'Hôtel Moderne" celui là, situé au 11 rue Claude Tellier dans le 12 ème arrondissement, métro "Reuilly Diderot" à 2 stations du PLM, pour 150 francs par mois. Mon budget s'était amélioré surtout grâce aux indemnités d'ambulants, et, sans être bien riche, je m'en sortais pas trop mal en comparaison de certains de mes collègues qui au 10 du mois étaient "raides comme des passe-lacets" et couverts de dettes (ils empruntaient auprès des copains)...
Un jour de début octobre quand j'étais encore 161 rue de Charenton dans ma piaule sordide et minable, ma marraine de Bordeaux, Jacqueline Gastal, une femme très chic très classe, la fille de la soeur de mon grand père maternel, était venue me voir, profitant d'un court séjour à Paris pour son travail (elle était créatrice de mode, couturière, et avait un atelier à Bordeaux). Je la revois encore, assise à côté de moi, sur le lit minable (une paillasse) qui brinquebalait, elle regardait autour d'elle, cette "sombritude" assez crasse il faut dire, le vieux réchaud à gaz, l'ampoule électrique au plafond, des toiles d'araignée, le carrelage crevassé... D'une extrême gentillesse autant que de délicatesse, je la revois, son visage typé, vêtue d'un léger manteau blanc bien coupé, cette femme élégante mais néanmoins d'une grande simplicité, n'étant pas du tout le genre à donner des leçons de morale... Et moi, avec mon jean d'apache, mon vieux pull peluchant de partout, élimé, une barbe qui me mangeait les joues, mes cheveux hirsutes... Sans doute a-telle dû, ma marraine, raconter à "Mamy", à sa façon, comment j'étais logé...
Elle devait hélas disparaître tragiquement, ma marraine, quinze jours plus tard, dans un accident de voiture sur la Nationale 10 entre Bayonne et Bordeaux, le 20 octobre 1967...

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Message par Yugcib Jeu 15 Déc - 13:04

... Le train poste sur lequel j'ai fait 3 voyages début août 1967, était un véritable "petit PLM ambulant" (une réplique roulante en plusieurs wagons les uns attachés aux autres, du centre de tri postal)... Ce n'était point, dans le train poste, la même "ambiance" que dans le wagon postal unique rattaché au train express ou rapide à destination de Pontarlier, de Chambéry, d'Annecy ou de Grenoble...
Le train poste était à destination de Lyon où il arrivait vers 4h 30. Quelle "usine" ! Au point de vue travail déjà, les conditions étaient plus éprouvantes, et l'environnement de relation, plus difficile, plus dur à vrai dire, et les chefs, des "peaux de vache"...
La vacation commençait toujours à 19h dans le train en gare, et le départ pour Dijon et Lyon vers 22h... Je me suis trouvé à chaque fois, sur ce train poste, au tri des colis et au transbordement en gare de Dijon, le service le plus éprouvant, d'autant plus que les sacs étaient souvent beaucoup plus lourds que les 30 kg règlementaires. A lyon, j'aurais pu si je l'avais voulu (des camarades me l'avaient proposé) dormir dans la chambre de six ou sept, remplacer celui qui se trouvait en congé ; mais je préférais dormir au wagon dans un coin sur des sacs pliés, cela ne me disait rien, rien de rien, d'occuper le lit d'un titulaire en congé dans une chambrée de six...
Ces journées qu'à trois reprises j'ai passées à Lyon furent pour moi d'un mortel ennui, et je les passai au "Parc de la Tête d'Or", sur des bancs et avec un livre. La chaleur était accablante.
Les mecs avec lesquels je bossais, ils avaient tous, mariés qu'ils étaient et avec des mômes, des maîtresses à Lyon (ou en bout de ligne), c'étaient des "durs", ça ne discutait, encore plus qu'au PLM, que de foot, de putes, de PD, toujours des histoires crasseuses et horribles... A la vulgarité des propos s'ajoutaient la violence, l'agressivité, la dureté, le mépris, l'hypocrisie, la condescendance, la provocation...
Pour écrire sur des carnets, mes impressions de voyage et de travail, décrire tout ce que je voyais, il me fallait veiller à être le plus discret possible...
Par la suite, à partir de décembre 1967 lorsque je fus au Transit National tri des paquets au PLM, le régime des 2 nuits sur 4 en brigade me donna la possibilité grâce à ce que nous appellions des "combines" (autorisées), de pouvoir être libre durant 6 jours, et cela autant de fois que nous le pouvions. La "combine" consistait à se faire remplacer par un collègue de la brigade inverse, une nuit ou même deux, et d'ajouter encore 1 ou 2 nuits en repos compensateur... On arrivait avec ce système, et en combinant remplacements, repos compensateurs et jours de congé, à "se faire" jusqu'à des 40 voire 50 jours de vacances... que bien évidemment il fallait soit avant soit après, "payer" d'autant de jours (nuits) de travail... C'est ainsi que je pus en 1969, faire à deux reprises durant de longs congés, un tour de France en vélo, un circuit de 3200 km au printemps toute la France de l'ouest de Bayonne jusqu'à Dunkerque ; et en automne un autre circuit des montagnes, de 2500 km toute la France de l'Est, nord centre et midi...
Je suis même une fois parti depuis Paris en vélo jusqu'à Tartas dans les Landes en 2 jours et demi, 750 km. Je m'arrêtais et dormais dans des auberges de jeunesse, mais parfois je faisais halte "à la belle étoile" dans un fossé ou dans un champ, avec un ruisseau à proximité pour la toilette...
Pour aller dans les Landes en train sans payer, j'allais voir aux Ambulants du centre de tri de la Gare d'Austerlitz, et, moyennant 1 litre de ricard à 18 francs, les mecs du wagon poste me laissaient monter et roupiller dans un coin sur des sacs. (Pour une équipe de sept en wagon poste il fallait compter 1 litre de Ricard ou de Pastis, par nuit)... Le voyage à cette époque là, en 2ème classe un train express ou rapide sans supplément, coûtait dans les 70 francs aller et autant retour... Pour le retour, c'était "Mamy" qui me payait le trajet...

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A la "poste pététique", récit anecdotique "mes débuts au Centre de tri Postal PLM Empty Re: A la "poste pététique", récit anecdotique "mes débuts au Centre de tri Postal PLM

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